lundi 28 juillet 2014

Top hat (Le danseur du dessus) 1935 de Mark Sandrich



« Vous rentrez à l’hôtel après avoir donné un spectacle dont vous êtes satisfait. Vous allumez la télévision et vous voyez Fred Astaire danser… Et là, tout est remis en question… »


Mikhail Baryshnikov.






Fred Astair ne crève jamais l’écran. 


Il caresse la toile, d'un geste distinct et d'un pas léger. 


Car Fred Astair ne cesse de retenir la danse. Ou, plus exactement, il semble toujours, déjà, être en train de danser. Chaque geste du quotidien est ainsi précisément accentué dans un enchaînement qui glisse imperceptiblement vers le rythme. Le jeu d’acteur va vers le chant qui annonce la danse, organisant le passage du quotidien au rêve à l’intérieur même de la narration. 



Ces moments de suspension entre réalité et rêve, où gestes quotidiens et danse se mêlent pour quelques secondes, sont caractéristiques de l’art de Fred Astair qui nuance, comme le peintre le ferait d’une gamme chromatique, une véritable gestuelle de la danse. Une gestuelle précise et subtile car Astaire sait qu’au cinéma, dans les salles obscures et démocratiques, chacun est au premier rang.


C’est d’ailleurs à un peintre – Bocklïn – et à sa passion pour la Genèse des corps qu’Astaire fait songer. « Un corps – dit Boclïn – ne subit pas uniquement  l’attraction, mais contient également des forces aériennes. » Astaire est l’homme qui a su se construire une verticale. C'est là un acte fondateur pour n'importe quel être humain - les bébés le savent bien ! - et l'enjeu même du spectacle cinématographique qui, nous l'avons déjà écrit sur ce blog, est l'un des instruments les plus efficients que l’homme ait pu s'inventer pour se défaire du poids du monde. Stabilisant sa tête, y localisant presque son centre de gravité, le danseur libère de la pesanteur un corps dans son entier qui entraîne alors à sa suite la partenaire, l’autre qu'appelle le désir, dans le rêve. Ainsi est-il toujours question de montrer quelque chose de l’amour, des étapes qui en font un parcours si particulier, de la rencontre à l’acte lui-même. 



Léger, Astaire s'affranchi sans peine des conventions et, sous le règne intransigeant du code de censure Hayes, offre tout de même au corps un lieu pour s’exprimer. 





Chacune des danses de Top hat induit un événement amoureux visant à combler la distance qui sépare les corps et qui culminera dans l’abandon de Ginger Rogers. Elle s’éveillera d’une danse, paradoxalement lesté d’un moment de légèreté ultime, ce quelque chose de l’amour qu’il faut alors replacer dans la vie. 



Pour en savoir plus sur l’étrange phénomène amoureux, il faut voir Fred Astaire ouvrir les mains pour qu’elles ouvrent à leur tour un espace à la danse, au cœur de la réalité.




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