Contre toute attente "Locke" est un film de science-fiction. Pas au sens strict du terme. Pas dans ce qu'il raconte. Qu'on en juge : "Locke" fait le récit à peu près isochronique (c'est à dire que le temps du récit est équivalent à la durée du film) d'une heure et demie de la vie d'Ivan Locke, alors qu'il prend sa voiture pour rejoindre Londres et une femme qu'il connait à peine mais qui s'apprête à mettre au monde l'enfant illégitime de cet ingénieur marié et père de deux fils.
Pourtant, "Locke" est bel et bien un film de science-fiction. Mais pas du point de vue de son discours. Pas du côté de ce que le film tente, souvent très lourdement, de dire - et pour cela Locke est bavard ! - à son spectateur à propos de la vie, de l'amour ou de la franche camaraderie de chantier. Avec son personnage principal spécialiste du béton, en charge de la construction d'un immense immeuble, le film va filer la métaphore à mesure que la voiture de Locke filera, elle, sur l'autoroute : la vie c'est un peu comme le bâtiment et pour la réussir il faut parfois prendre le risque d'en faire réellement un chantier nous martèlera jusqu'au bout le scénario. La moquerie est aisée on le pressent, d'autant que le film ne fait guère dans la finesse en tentant sans cesse de compenser son concept un brin aride - un type seul dans sa voiture parle à diverses personnes au téléphone - par des dialogues sur-écrits qui ne laisseront aucun élément du récit en suspens. Bref, "Locke" c'est de la psychologie rustique, simple et roborative.
Et la science-fiction me direz-vous? Elle s'exprime dans "Locke" le plus simplement du monde: par ce qui est montré. En deux plans, le film expose ses fondations extrêmement concrètes : un chantier, une bétonneuse.Du lourd. Mais ce n'est que pour mieux plonger dans l'abstraction, celle, lumineuse et fugace, des autoroutes nocturnes qui séparent le chantier - à la veille d'une phase décisive - de la capitale britannique - où doit accoucher la maîtresse d'un soir.
Petit à petit, et pour peu qu'on accepte d'associer notre siège de spectateur à celui du passager d'Ivan Locke (nous ne sortirons pas plus de la salle de cinéma que de la voiture du protagoniste), le film produit l'effet visuel d'un vol spatial.
Disons que le cinéma et la science posent une question identique : qu'est-ce que l'homme? Le cinéma pourrait être envisagé comme une anthropologie révolutionnaire qui convertit la question "qu'est-ce que l'homme?" en "où est l'homme?". Le cinéma interroge en effet moins l'image que l'espace. C'est assez différent de l'ontologie de l'image et de ses fantômes. La situation anthropologique classique change de lieu par le cinéma, c'est à dire par l'art du mouvement et, donc, de l'espace. De fait, le cinéma de science-fiction est une quintessence de cinéma parce que le cinéma propose structurellement à son spectateur une expérience proche de la science-fiction...
Par exemple, le vol spatial manifeste le fait que l'homme a développé les moyens techniques nécessaires pour défier la gravité de son propre corps. Ce déploiement de l'antigravitation est peut-être l'une des grandes affaires de l'humanité.Le cinéma incarne lui-aussi quelque chose de cette pulsion vers le haut, vers la décharge que nous recherchons tous pour supporter le poids de la réalité.
Cette pulsions verticale, "Locke" la convertit horizontalement.Ainsi, le film propulse le corps de son personnage contre toutes ses attaches professionnelles et personnelles. Ivan Locke a décidé que l'enfant dont il est fortuitement le géniteur ne naîtra pas sans un père à ses côtés et Ivan Locke se tiendra à sa décision en dépit du poids d'une vie entière.
La beauté de "Locke" réside dans un paradoxe qui dit beaucoup du cinéma en tant que phénomène. Si, scénaristiquement parlant, c'est en assumant le poids de sa décision que le personnage acquiert une liberté profonde, à l'image, Ivan Locke se dissout de plus en plus en une abstraction qui n'est rien d'autre que la fusion d'un corps et de sa trajectoire. Ainsi "Locke", sous ses dehors de film-concept limité, laisse alors entrevoir - en convertissant une simple automobile en vaisseau spatial et le temps de la projection en abstraction lumineuse - non l'usage mais les puissances mêmes du cinéma.
Disons que le cinéma et la science posent une question identique : qu'est-ce que l'homme? Le cinéma pourrait être envisagé comme une anthropologie révolutionnaire qui convertit la question "qu'est-ce que l'homme?" en "où est l'homme?". Le cinéma interroge en effet moins l'image que l'espace. C'est assez différent de l'ontologie de l'image et de ses fantômes. La situation anthropologique classique change de lieu par le cinéma, c'est à dire par l'art du mouvement et, donc, de l'espace. De fait, le cinéma de science-fiction est une quintessence de cinéma parce que le cinéma propose structurellement à son spectateur une expérience proche de la science-fiction...
Par exemple, le vol spatial manifeste le fait que l'homme a développé les moyens techniques nécessaires pour défier la gravité de son propre corps. Ce déploiement de l'antigravitation est peut-être l'une des grandes affaires de l'humanité.Le cinéma incarne lui-aussi quelque chose de cette pulsion vers le haut, vers la décharge que nous recherchons tous pour supporter le poids de la réalité.
Cette pulsions verticale, "Locke" la convertit horizontalement.Ainsi, le film propulse le corps de son personnage contre toutes ses attaches professionnelles et personnelles. Ivan Locke a décidé que l'enfant dont il est fortuitement le géniteur ne naîtra pas sans un père à ses côtés et Ivan Locke se tiendra à sa décision en dépit du poids d'une vie entière.
La beauté de "Locke" réside dans un paradoxe qui dit beaucoup du cinéma en tant que phénomène. Si, scénaristiquement parlant, c'est en assumant le poids de sa décision que le personnage acquiert une liberté profonde, à l'image, Ivan Locke se dissout de plus en plus en une abstraction qui n'est rien d'autre que la fusion d'un corps et de sa trajectoire. Ainsi "Locke", sous ses dehors de film-concept limité, laisse alors entrevoir - en convertissant une simple automobile en vaisseau spatial et le temps de la projection en abstraction lumineuse - non l'usage mais les puissances mêmes du cinéma.
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